JEAN-MICHEL HUET . PSYCHANALYSTE. SEXOLOGUE |
ACCUEIL | PRÉSENTATION | PSYCHANALYSE PSYCHOTHERAPIE | TROUBLES ALIMENTAIRES | TROUBLES DE L’ADOLESCENCE | SEXOLOGIE | COORDONNÉES | PLAN DU SITE |
La fonction de la boulimie est
d’empêcher l’émergence de pensées dérangeantes concernant le rapport au plaisir
aux autres et à la sexualité en particulier ; c’est une maladie sociale
dont l’expression est alimentaire pour la raison principale que les êtres
humains ont l’habitude durable de prendre leurs repas en commun.
Elle constitue une stratégie à court
terme, voire à très court terme dont le but est de ne pas perturber un
équilibre précaire. Pour cela, il faut considérer la pathologie boulimique
comme une tentative de solution, ratée, à des problèmes qui sont laissés dans
l’ombre. Ce qui évite le déplaisir mais également et surtout toute possibilité
d’élaboration et de résolution. Puisqu'une des fonctions principales de la crise
de boulimie est de bloquer la pensée et l'émergence des angoisses
inconscientes, énoncer
le problème entrainerait une souffrance accrue certaine mais ceci de manière
provisoire. La solution ici choisie est celle de l’évitement : limiter la
souffrance à des épisodes circonscrits, périodiques, la parcelliser, la diviser
pour la rendre plus supportable, plus acceptable sur le moment bien que
beaucoup plus couteuse à long terme.
La boulimie est une souffrance basée
sur un mécanisme proche du crédit et de sa conséquence : le
surendettement.
Si l’on part de l’hypothèse que la
fonction même de la crise de boulimie est d’empêcher l’émergence d’une
problématique de fond par un détournement d’attention sur le modèle de l’abcès
de fixation, on peut, de ce fait, comprendre le paradoxe apparent des causes du
déclenchement de la crise.
En effet, loin du bon sens qui
attribuerait le déclenchement de l’accès boulimique à un évènement négatif
obligatoire, la pratique clinique nous montre que nombre de crises trouvent
leur origine dans une cause positive, voire parfois une franche bonne nouvelle,
sans négliger celles où l’absence d’un évènement notable constitue une cause
suffisante pour provoquer la crise.
Ceci, outre le cycle comportemental
bien connu de toutes les personnes souffrant de boulimie et des thérapeutes
spécialisés dans la maladie :
Crise entrainant une compensation de
la crise par une restriction alimentaire entrainant une frustration et/ou une
famine entrainant un craquage et une crise qui entrainent la restriction
suivante.
De ce fait, le système boulimique
tout entier parait s’articuler autour de la fonction homéostatique, maintien de
l’équilibre, la plus extrême. Toute perturbation négative, positive ou même
l’absence notable, et notée par le sujet, de perturbation menant à un état
anxieux provoque de ce fait une crise dont le but est de remettre à zéro les
compteurs en éloignant les pensées du patient de tout autre sujet que la crise,
la culpabilité et la honte qui y sont associées.
Puisque nous avons vu que la boulimie
ne pouvait être résumée à une causalité simple sur un modèle : déplaisir
entraine crise, il nous reste à imaginer une ébauche de modèle ou d’hypothèse tenant
compte de l’apparente difficulté à concevoir que tout, négatif, positif ou même
« rien » puisse entrainer une crise ou parfois, en dépit de toute
logique constater qu’une cause négative massive ne se traduise pas par une
crise.
Selon une logique scientifique non-contradictoire
rationnelle, il semble difficile de concevoir qu’une cause et son contraire
puissent provoquer un seul et même résultat.
Ce serait exactement comme si un feu,
selon les circonstances, puisse être parfois attisé, parfois éteint par de
l’essence, ou bien de l’eau… selon des lois imprévisibles et non
reproductibles. Une telle imprédicabilité rendrait toute science impossible.
C’est pourtant ce qui se produit dans le cas des crises de boulimie. Même si
une occurrence négative a statistiquement
plus de chances de provoquer une crise catastrophique, certaines
catastrophes ont eu pour effet de faire cesser durablement les crises chez
certains patients.
Donc, la condition de déclenchement
de la crise boulimique peut se caractériser par deux facteurs :
·
Une
extrême sensibilité aux conditions de départ
·
Un
déterminisme certain
Ainsi la boulimie se comporte comme
un système chaotique, selon la théorie du chaos popularisée par Edward Lorenz en
1972, mais aucunement comme un système sauvage qui ferait n’importe quoi
n’importe comment. Sous le désordre apparent se cache un ordre très strict. Le
seul problème est qu’il est extrêmement sensible aux conditions initiales et,
de ce fait, ne peut être que difficilement prédit, ni même être facilement
déduit de ses schémas passés.
Il s’agit du célèbre « effet
papillon » : « Un papillon
qui bat des ailes au Texas peut provoquer une tempête au Brésil ou
l’arrêter ». Ou une crise de boulimie pourrait-on ajouter…
La fonction homéostatique déclenchée
avec une sensibilité extrême aux conditions de départ provoque la crise et éloigne de ce fait toute
élaboration psychique. Elle est donc un système chaotique avec toutes ses caractéristiques.
A notre connaissance aucune étude systématique et mathématique n’a été
entreprise sur les facteurs provoquant les crises de boulimie. A peine
commence-t-on à appliquer les développements de la théorie du chaos aux
réactions psychologiques.
Un ordre sous-jacent, ou plus exactement
une tentative d’ordre cachée à nos yeux, est donc à l’œuvre dans la pathologie
boulimique. Pour parvenir à ce désir d’ordre et de stabilité, le paradoxe
apparent est donc qu’il faille passer impérativement par une crise
catastrophique supposée rétablir un équilibre précaire mais surtout provisoire,
portant de manière intrinsèque les germes de la prochaine perturbation. Ceci, dans la mesure où cet équilibre
ponctuel n’est jamais suffisant pour
empêcher les tentatives d’émergence des peurs et pensées refoulées qui
constituent la principale cause, en tant que poussée interne, de rupture de
l’homéostasie, bien plus que les variations environnementales.
De plus, outre la poussée constante
du refoulé, les moyens mis en œuvre pour maintenir celui-ci dans l’Inconscient
contiennent fondamentalement les conditions même de la prochaine rupture
d’équilibre du fait de l’impact traumatique des moyens employés, la crise
boulimique en particulier.
La honte, plutôt que la culpabilité,
associée à la crise de boulimie, déstabilise durablement un système à
l’équilibre fragile, pour lesquelles les conditions de départ de la crise sont
déjà hypersensibles.
Les tentatives désespérées et
infructueuses du sujet de tenter de cadrer dans un cadre temporel, jour,
semaine ou toute autre théorie d’un
temps fonctionnel (période d’examen, vacances, relation, etc.),
l’ampleur et la durée de l’épisode boulimique échouent généralement. En effet,
la perception par la malade de « bons »
ou « mauvais » jours ou
semaines peut, certes, parfois fonctionner comme « illusion structurante » et rassurante mais elle ne correspond,
à y regarder de plus près, que rarement à une réalité de la pathologie qui
n’est jamais calée sur l’heure astronomique. Car la journée humaine ne commence
qu’exceptionnellement à 0h01 pour ne se terminer qu’à minuit sonnant, tout
comme la temporalité de la conduite pathologique d’ailleurs.
« Que cache donc cette belle
mécanique ? » pourrait-on dès lors s’interroger. De fait, le but
ultime de la crise boulimique cache derrière un comportement apparemment
chaotique une intention claire mais inconsciente : empêcher à tout prix
une émergence de la problématique réelle de l’individu, ceci en masquant la
difficulté psycho-affective par une problématique alimentaire et
comportementale. Tout le travail du thérapeute sera donc axé sur un double
objectif :
·
Rendre
le système moins chaotique, particulièrement en ce qui concerne l’extrême
sensibilité du déclenchement de la crise, de manière à tenter de donner du sens
à chaque cause de crise. Ainsi, convaincue que n’importe quelle rupture
d’homéostasie peut provoquer la crise plutôt que de suivre un schéma classique
où un évènement négatif provoque nécessairement le symptôme, la patiente pourra
de manière plus efficace rechercher et trouver l’anxiogène derrière le positif
ou même dissimulé par le « rien »
·
A
partir de cela, pourront se dégager les causes principales, à savoir les
contenus maintenus activement dans l’Inconscient par le cycle boulimique. En
permettant de donner un sens, circonstanciel ou prospectif à la crise, se
dégage la possibilité d’aborder par une analyse des causes de la crise les
angoisses sous-jacentes qui sont effacées de la conscience par le mécanisme
même de la crise.
Pour cela, un travail thérapeutique
avec les patients boulimiques doit se situer, à la différence d’une
psychanalyse classique, à la confluence du comportement symptomatique et de
l’accès aux contenus inconscients. La fonction même du symptôme boulimique
étant de refuser tout accès aux angoisses inconscientes, faire l’impasse sur le
comportement boulimique conduit à un renforcement des défenses et à une
augmentation de la souffrance qui sera utilisée comme résistance, légitime,
pour interrompre tout travail thérapeutique.
La question
de l’ordre, cachée sous un chaos apparent, est plus centrale que l’on se plait
à la penser puisqu’il s’agit moins d’un souci d’ordre théorique que d’une
question de sens. En effet, la peur la plus préjudiciable pour les patients et
leur entourage est que les crises n’aient aucun sens. Car, si cela est le cas,
comment comprendre, comment agir, comment guérir de ce qui n’a aucun
sens ?
Donner du sens et donner le moyen au
patient d’entrevoir que, même si les raisons lui restent floues, le
comportement boulimique a une fonction puisqu’il est pérenne et que cette
fonction peut être aménagée, voire assumée de manière moins dommageable par le
sujet. Ce détour vers le moindre mal est probablement ce que l’on peut nommer,
sans coquetterie intellectualisante, guérison pour le commun des mortels.
01 42 29 31 71 .
DU LUNDI AU VENDREDI DE 8H30 À 20H30 ET LE SAMEDI DE 8H30 À
13H . 21, RUE
DAVY 75017 PARIS . CONTACT MAIL
|