JEAN-MICHEL HUET . PSYCHANALYSTE

Psychothérapeute spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire.

ACCUEIL PRÉSENTATION TROUBLES ALIMENTAIRES TROUBLES DE L’ADOLESCENCE SEXOLOGIE FORMULAIRES TCA COORDONNÉES
Anorexie Boulimie, Hyperphagie Obésité, Compulsions, Grignotages & Dysfonctionnements mineurs Aperçu historique Que faire en cas de TCA ?



COMMENT RECONNAÎTRE LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE  


Cette partie a pour but de donner au profane (en ce qui concerne les troubles alimentaires) des moyens simples de reconnaître les troubles alimentaires, soit dans un but d’autodiagnostic, soit dans un but d’aide à son entourage.

Il ne s’agit donc pas, ni de dénoncer, ni de forcer mais de permettre à la personne souffrant de troubles alimentaires de se donner tous les moyens pour se choisir un autre destin que celui d’une vie restreinte, obsédée par la nourriture et dont la dégradation est malheureusement inévitable.

Si certains troubles alimentaires sont évidents à reconnaître, si ce n’est à accepter, l’obésité par exemple, d’autres comme l’anorexie et la boulimie sont parfois malaisés à reconnaître chez l’autre et parfois même sur soi-même. Les signes présentés ne doivent pas être considérés comme absolus ou tous nécessaires, l’absence de l’un ne signifie pas forcément que le problème ne se pose pas.

Anorexie :



Boulimie et hyperphagie boulimique :



Compulsions alimentaires :



Obésité :




L’ANOREXIE MENTALE

HISTOIRE NATURELLE & DESCRIPTION

    Le début de l’anorexie mentale est souvent consécutif à de nouvelles situations dans la vie auxquelles le sujet se sent inadapté ou incapable d’assumer. De tels changements peuvent être biologiques, comme le début de la puberté, psychologiques, comme les étapes de l’adolescence, ou sociaux, comme entrer au collège ou au lycée. Le commencement de l’anorexie mentale peut aussi suivre l’arrêt d’une relation sentimentalement investie ou la mort d’un parent ou d’un ami.

    L’anorexie commence typiquement chez des sujets à poids normal ou de légèrement à modérément en surpoids qui décident initialement de faire "un petit régime". Le régime est initialement approuvé, ou même activement encouragé, par la famille et les amis aussi bien que dans de nombreux cas, par les entraîneurs sportifs ou les professeurs de danse. La patiente est ainsi félicitée pour la perte de poids initiale et prend du plaisir à sa réussite. Une fois que le but original de réduction de poids est atteint, un nouveau but est immédiatement fixé.

     Ostensiblement, ceci est pour « s’assurer » d’annuler de futurs gains de poids, mais la perte de poids comme recherche de la minceur devient rapidement un but en soi et le contrôle est perdu. Les patientes sont rapidement incapables de se décider à reprendre du poids.

    Les patientes attirent généralement l’attention médicale non pas à cause de la perte de poids mais à cause de plaintes telles qu’aménorrhée, oedème, constipation ou douleurs abdominales. Elles peuvent se plaindre d’allergies spécifiques à la nourriture voire demander une aide pour renforcer le régime telle que pilules amaigrissantes ou diurétiques. Les patientes peuvent aussi arriver aux urgences dans la mesure où les complications du régime ou des vomissements, telles que la déshydratation et les déséquilibres des fluides et des électrolytes sont graves.

    Très souvent, l’entourage met extrêmement longtemps à constater l’amaigrissement.

    La patiente peut être amenée par les parents qui s’inquiètent quand la perte de poids est extrême ou qui sont alarmés par des habitudes alimentaires bizarres et par le changement de personnalité.

    On distingue deux variétés principales d’anorexie mentale:

 
    L’anorexie mentale touche environ 1 à 1,5% de la population, 0,75% dans sa forme grave. La prévalence du sexe féminin est massive: 10 filles pour 1 garçon d’où sa dénomination originelle d’ "anorexie mentale essentielle de la jeune fille".

    La trajectoire de l’anorexie mentale est variable. Il peut y avoir un épisode unique avec rémission complète ou de nombreux épisodes s’étendant sur plusieurs années. Un épisode unique peut aussi être chronique et sans rémission.

    Une guérison complète ou partielle peut survenir spontanément dans certains cas rares ou généralement à la suite d’un traitement adapté. Les épisodes uniques mais aussi les trajectoires fluctuantes peuvent de la même façon aboutir à la mort.

    Selon un rapport du Dr Nathalie GODART de l’institut mutualiste Montsouris (IMM), commandé par la direction générale de la Santé (DGS):
"L’anorexie mentale se caractérise par la gravité de son pronostic, qui la classe au premier rang des pathologies psychiatriques mettant en jeu le processus vital".

    Le risque de mortalité existe, même si depuis quelques années le taux tend à diminuer. Par contre, dans l’état actuel des études scientifiques, il reste difficile de déterminer le risque statistique d’une issue fatale, celui-ci variant selon les études de 4 à 10%.

    La mortalité augmente avec la durée de la maladie: après 10 ans le taux de mortalité serait de 7%, après 20 ans il est de 20%. Cette mortalité est imputable à la dénutrition mais également aux suicides (24% des décès), il est à noter que 14% des décès ont des causes inconnues.


DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL



    L’anorexie mentale doit être distinguée des pertes de poids dues à des maladies somatiques telles que néoplasme, tuberculose, affection hypothalamique et surtout des endocrinopathies. Celles-ci peuvent être également diagnostiquées sur la base d’une enquête approfondie, examens somatiques et analyses de laboratoire. Les patients souffrant de ces maladies physiques ne présentent pas de crainte de la corpulence, de recherche de la maigreur et l’hyperactivité qui caractérise l’anorexie mentale.

    Des pertes de poids se produisent fréquemment chez des patients souffrant de troubles dépressifs ou de certains troubles schizophréniques caractérisés par des habitudes alimentaires bizarres provoquées par des hallucinations portant sur la nourriture.

    Les patients atteints d’autres troubles n’ont pas non plus cette préoccupation à propos des calories ingérées, l’obsession des formes du corps et de sa taille et l’hyperactivité. Les patients psychosomatiques peuvent parfois subir des variations de poids, des vomissements et des habitudes alimentaires bizarres mais la perte de poids n’est pas habituellement grave et l’aménorrhée durant plus de trois mois est inhabituelle.

Pour établir le diagnostic d’anorexie mentale, les patients doivent satisfaire aux critères diagnostiques du DSM IV.


DSM IV : CRITÈRES DIAGNOSTIQUES POUR L’ANOREXIE MENTALE



a. refus de maintenir le poids corporel au-dessus de la normale minimale (moins de 85 % du poids normal pour l’âge et la taille)

b. peur intense de prendre du poids ou de devenir obèse, ceci  malgré une insuffisance pondérale

c. perturbation dans la manière dont le poids corporel, la forme ou la silhouette est perçue

d. influence exagérée du poids corporel ou de la silhouette sur l’estimation de soi

e. aménorrhée (absence de règles) pendant au moins trois cycles consécutifs chez les femmes menstruées (aménorrhée secondaire).



DESCRIPTION CLINIQUE DE L’ANOREXIE MENTALE



    L’anorexie débute généralement par un régime modéré. Dans le premier temps, l’entourage ne se sent pas inquiet de ce régime qui valorise plutôt la malade anorexique. La période initiale du régime est modérée mais petit à petit la détermination de maigrir devient systématique, plus résolue, voire acharnée.

    Les quantités sont réduites dans un premier temps, puis certains aliments sont écartés du repas. Chaque jour de nouveaux aliments sont bannis de l’alimentation, en commençant par les aliments"gras", les aliments sucrés, les féculents, puis les viandes, d’abord les viandes rouges, puis souvent toutes les viandes, le fromage, etc.

    Ceci pour en venir à une prise de nourriture minimale d’aliments peu caloriques, en quantité infime, de préférence toujours les mêmes, dans des repas extrêmement ritualisés, prenant un temps infini, sans variation aucune.

    Parallèlement, l’adolescente est hyperactive, à la fois intellectuellement et physiquement, ce qui contribue, par l’impression de vitalité qu’elle donne, à masquer son amaigrissement qu’elle dissimule le plus souvent. Qu’elles soient physiques ou intellectuelles, ces performances se déroulent sur un mode de compétition, apparemment contre les autres mais en réalité contre soi-même, contre les limitations de son corps et de son esprit.

    L’anorexie se met en place dans un délai qui couvre généralement de 3 à 6 mois. Dans les premiers temps, les troubles ne sont pas encore fixés et la guérison peut parfois survenir en quelques consultations si les symptômes sont pris à temps par un praticien spécialisé dans les troubles alimentaires.

    Une fois que le sujet est installé dans le comportement et le mode de pensée anorexique, la guérison prend généralement beaucoup plus longtemps car, outre le travail nécessaire pour trouver les causes et les origines des symptômes, il est absolument nécessaire de modifier en détail le comportement et l’état d’esprit anorexique, ce qui prend beaucoup de temps.

    Une fois la conduite anorectique fixée, la durée de suivi pour arriver à la guérison évoluera en proportion de la durée du trouble. Il est à noter  que dans le cas d’une anorexie de longue durée, le principal obstacle à la guérison est constitué par la lassitude qui s’installe dans une prise en charge qui dure, n’évoluant pas assez vite au goût du sujet et de son entourage.

Beaucoup de prises en charges sont abandonnées pour cette raison alors qu’elles auraient pu mener au succès avec un peu plus d’acharnement.

    Au fur et à mesure que la maladie s’installe, la conduite devient de plus en plus systématique, elle perd son caractère modéré et montre clairement une intention déclarée de maigrir. La peur de grossir devient majeure et la patiente peut utiliser tous les moyens pour essayer de se faire maigrir:

. Restriction alimentaire

. Exercice physique

. Vomissements provoqués ou spontanés

. Lavements

. Laxatifs

. Diurétiques


    Il est à noter que l’amaigrissement n’inquiète absolument pas la patiente et qu’il est au contraire recherché et valorisé. La faim est ressentie au début de la maladie mais disparaît progressivement, réapparaissant parfois ce qui peut provoquer des conduites boulimiques.

La peur de grossir est constante et tout est fait pour combattre la prise de poids, y compris des stratégies visant à vider le corps de tout aliment (vomissements, diurétiques, laxatifs, lavements).


EVOLUTION CLINIQUE DE L'ANOREXIE MENTALE



Il existe, pour simplifier, trois différentes formes d’évolution:

1. une forme mineure, qui se déroule sur quelques semaines ou mois, et qui se résout généralement suite à quelques consultations ou spontanément, sans laisser de séquelles.

2. la forme grave dite cachectisante qui se déroule sur plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années. Depuis quelques années la mort en est moins souvent l’issue obligée, mais cette forme reste profondément invalidante, à la fois sur le plan physique, intellectuel, social, affectif et professionnel. Le danger somatique reste persistant et parfois mortel, même après des années d’équilibre précaire, particulièrement dans le cas d’une maladie intercurrente qui perturberait le fragile équilibre.

3. une évolution intermédiaire est également possible, alternant les reprises de poids, soit par épisodes boulimiques, soit par réalimentation médicale. Après plusieurs rechutes, une stabilisation relative peut s’installer dans un contexte d’état anorexique durable mais modéré.


Deux évolutions particulières sont particulièrement remarquables:



    L’espérance d’une résolution spontanée ne doit cependant absolument pas retarder ou empêcher la consultation, de préférence auprès d’un spécialiste des troubles alimentaires.


CONDUITES ANNEXES



    Certaines conduites annexes méritent d’être notées, bien qu’elles ne soient pas à proprement parler spécifiques de l’anorexie mentale, elles y sont fréquemment associées:

    L’hyperactivité: elle est physique, dans un but de perdre du poids ou de ne pas en prendre et montre un désir de garder le contrôle sur le corps, principalement dans des activités sportives ou d’endurance. Mais elle peut aussi être intellectuelle et scolaire dans un but de performance, sans réel plaisir à l’apprentissage, mais surtout sans objectif autre que la réussite à court terme, dans un but de compétition, avec les autres mais surtout dans un désir de se surpasser soi-même.

    Un rapport conflictuel à la sexualité: quelle qu’en soit l’expression le rapport à la sexualité est toujours tourmenté, jamais serein.
    Alors que traditionnellement, les sujets anorexiques présentaient un refus franc de toute activité sexuelle, depuis quelques années le tableau n’est plus aussi clair. Il apparaît chez certains patients une activité sexuelle régulière, cependant les difficultés de cette sexualité dépassent largement celles de l’adolescent ou du jeune adulte pour qui l’accès à la sexualité n’est jamais évident.

    Une angoisse disproportionnée est présente et parfois les relations sexuelles se manifestent plus comme un comportement d’opposition aux valeurs des adultes ou une conformité forcée à des valeurs adolescentes que comme une véritable recherche du plaisir ou que l’aboutissement d'une relation affective.


LES SYMPTÔMES SOMATIQUES DE L'ANOREXIE



    L’amaigrissement est massif et spectaculaire, de 20 à 30%, il peut aller jusqu’à 50% du poids initial.

    L’aménorrhée (absence des règles). Curieusement, elle n’est pas la conséquence directe de l’amaigrissement puisque souvent elle le précède. Les règles reviennent généralement avec la reprise du poids mais dans certains cas, cela n’est pas automatique et l’aménorrhée peut persister longtemps après le retour à un poids normal.




LA BOULIMIE

DESCRIPTION


    La crise boulimique se déroule habituellement sans plaisir, ce qui la différencie du comportement de gourmandise ou d’avidité de certains obèses. Si plaisir il y a, ce plaisir est extrêmement fugace et il est gâché rapidement par le sentiment de honte.

    La quantité de nourriture absorbée est généralement très importante le réfrigérateur entier peut être vidé, par exemple, ce qui différencie la boulimie au sens médical de la "boulimie" telle qu’on en parle de manière courante: le sujet boulimique ne fait pas une crise en mangeant un paquet de gâteaux et une plaque de chocolat, il convient dans le cas d’une véritable crise de multiplier ces quantités plusieurs fois.

     Certains sujets préparent activement leurs crises, stockant des aliments, de préférence toujours les mêmes, en vue d’une crise, d’autres cèdent aux opportunités qui se présentent ou improvisent quand la pression de faire une crise est trop importante. Cependant, quel qu’en soit le modus operandi, la crise se fait dans le secret, en solitaire, loin des regards.

    Dans un second temps, après la crise, le boulimique tente de compenser cette prise alimentaire très excessive par des stratégies de compensation diverses:

. Vomissements

. Utilisation de diurétiques ou de laxatifs

. Périodes de jeûnes ou d’abstinence de nourriture 

. Dépenses énergétiques dans le but de "brûler" des calories


    Il est à noter que certaines stratégies de compensation de la crise boulimique ont à long terme des effets inverses au but recherché. En effet, le fait de ne pas manger ou de manger le minimum pendant plusieurs jours a pour conséquences d’augmenter la faim et les frustrations, ce qui aura pour effet de faciliter l’émergence de la crise de boulimie, celle-ci pouvant advenir suite à une prise alimentaire banale où la boulimique perd le contrôle.

Selon des chiffres récents 28% des adolescentes et 20% des adolescents de 10 à 19 ans souffriraient de boulimie. Malgré le peu de renseignements disponibles, puisque les comportements boulimiques sont généralement beaucoup plus discrets que les comportements anorexiques (pas d’amaigrissement facilement constatable par un examen médical simple, mais pas forcément non plus de prise de poids si les vomissements compensent la prise alimentaire).

Le taux de mortalité est estimé à 0,4%.





CRITERES DIAGNOSTIQUES DU DSM-IV POUR LA BOULIMIE


a. Épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée. Un épisode d’hyperphagie incontrôlée consiste en :

1. prises alimentaires, dans un temps court inférieur à 2 heures, d’une quantité de nourriture largement supérieure à celle que la plupart des personnes mangeraient dans le même temps et dans les mêmes circonstances.

2. Une impression de ne pas avoir le contrôle des quantités ingérées ou la possibilité de s’arrêter.

b. Le sujet met en œuvre des comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids (vomissements provoqués, prises de laxatifs ou de diurétiques, jeûnes, exercice excessif).

c. Les épisodes d’hyperphagie incontrôlée et les comportements compensatoires pour prévenir une prise de poids ont eu lieu en moyenne 2 fois par semaine durant au moins 3 mois.

d. Le jugement porté sur soi-même est indûment influencé par la forme et le poids du corps.

e. Le trouble ne survient pas au cours d’une anorexie mentale

HYPERPHAGIE BOULIMIQUE


    Cette variation de la boulimie, distinguée par les anglo-saxons mais peu prise en compte par la nosographie française, se caractérise surtout par l’absence de comportements visant à compenser les prises excessives de nourriture. La conséquence principale en est une prise de poids importante et obésité durable.

    Cette distinction se fait surtout à cause des critères de morbidité à long terme, ce qui s’explique par le fait qu’à l’origine de la série des DSM le but était surtout  orienté vers un dépistage non dans un but de santé public mais à la demande des assurances privées pour calculer les risques financiers associés à telle ou telle pathologie.

    Dans le cas précis de l’hyperphagie boulimique, les risques sont augmentés à cause du surpoids.

    Du point de vue du traitement et de la prise en charge, la différenciation d’avec la boulimie doit surtout se jouer au niveau du suivi nutritionnel.





DSM IV: CRITERES DIAGNOSTIQUES POUR L'HYPERPHAGIE BOULIMIQUE


A. Épisodes récurrents de crises de boulimie.Une crise de boulimie répond aux 2 caractéristiques suivantes :

1. Absorption, en une courte période de temps (moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture dépassant notablement ce que la plupart des personnes mangent dans le même temps et dans les mêmes circonstances.

2. Sentiment de perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple, sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce qu’on mange ou la quantité de ce qu’on mange).

B. Durant les crises de boulimie, au moins trois des critères suivants d’absence de contrôle sont présents :

1- Prise alimentaire nettement plus rapide que la normale.

2- L’individu mange jusqu’à l’apparition de sensations de distension abdominale inconfortable.

3- Absorption de grandes quantités d’aliments sans sensation physique de faim.

4- Prises alimentaires solitaires afin de cacher aux autres les quantités ingérées.

5- Sensations de dégoût de soi, de dépression, ou de grande culpabilité après avoir mangé.

C. Le comportement boulimique est source d’une souffrance marquée.

D. Le comportement boulimique survient en moyenne au moins 2 fois par semaine sur une période de 6 mois.

E. Le comportement boulimique n’est pas associé à des comportements compensatoires inappropriés (par exemple vomissements, prise de laxatifs, exercice physique intensif), ne survient pas au cours d’une Anorexie mentale (Anorexia nervosa) ou d’une Boulimie (Bulimia nervosa).



L’OBESITE


    L’obésité se caractérise par un excès de poids qui dépasse de 20% le poids idéal pour la taille ou si l’indice de masse  corporelle (IMC ou BMI en anglais) dépasse 30 kg/m².

    En France selon les chiffres de 2003, 10% de la population adulte est obèse, 20% est en surpoids, les chiffres concernant  les enfants sont à peine inférieurs.

    Selon le professeur Daniel RIGAUD, l’obésité modérée est passée de 4.7% à 10.8% et pour l’obésité sévère de 0.4% à 1.8% entre 1980 et 1996.

    Les risques de mortalité augmentent avec l’indice de masse corporelle mais bien plus vite que lui.

    Il existe des causes multiples à l’obésité. La cause génétique la plus souvent invoquée par les personnes souffrant d’obésité ne représente que 25 à 30%, ce qui ne signifie pas pour autant que l’obésité est dès lors automatique mais que son apparition sera plus facile si les conditions environnementales s’y prêtent.

    Selon le professeur RIGAUD " la surcharge pondérale et l’obésité résultent d’un bilan énergétique favorable au long cours. Si les entrées (ingestats moins pertes digestives) sont régulièrement supérieures aux sorties (dépense énergétique totale), le sujet grossit"

    Sur le plan psychologique, il n’existe pas à proprement parler de profil psychologique de l’obèse préexistant à  l’obésité. Par contre le maintien d’un surpoids, voire d’une obésité a des conséquences psychologiques au long terme. En effet, l’obésité au long cours engendre des perturbations de l’image de soi et de l’image corporelle dont les conséquences ne sont pas négligeables.

    Dans le regard de l’autre, et parfois même, il faut malheureusement le constater dans celui de nombreux soignants, le "gros" est considéré comme un être faible, ayant échoué dans la maîtrise de ses pulsions ou de ses appétits excessifs, responsable entièrement de sa condition.

    Quand il tente un régime, encouragé en cela par une presse dont le régime, aussi aberrant soit-il que ce soit dans ses prescriptions que dans ses prétentions, constitue le produit d’appel, il se retrouve confronté à deux modèles de régimes opposés mais tout aussi néfastes:

    Ceux dont la tromperie se situe au niveau des résultats miraculeux en quelques semaines, voire en quelques jours, qui consiste en une réduction draconienne des apports caloriques. Ce qui entraîne une perte de poids fulgurante, certes, mais qui n’est pas tenable à long ou moyen terme pour des raisons avant tout psychologiques.

    Lassé de ne manger que des fruits, courgettes, haricots verts ou autre, l’obèse, ou tout autre être humain quel que soit son poids d’ailleurs, ne pourra tenir longtemps et compensera tôt ou tard sa perte de poids par des fringales qui lui feront reprendre plus de poids qu’il n’en avait perdu.

    Les autres dont l’illusion est de faire croire qu’il est possible de maigrir sans se priver, ou sans changer radicalement ses habitudes alimentaires. Ces régimes sont généralement assez inefficaces dans le mesure où un changement radical du mode d’alimentation est pour le moins nécessaire à qui veut maigrir.

    Enfin, il faut conclure que si l’obèse n’est pas délibérément gros, il ne le fait pas "exprès", il ne fait généralement pas tout le nécessaire pour maigrir. Le destin de l’obèse ou de la personne en surpoids réside en ses mains, conseillé par un spécialiste.
   
    Mais il est clair qu’il n’existe pas dans l’état actuel des connaissances médicales sérieuses de traitement miracle où le malade n’aurait pas à prendre sa santé en main activement. Nul ne peut vous empêcher de manger en excès durablement, sinon vous.


LES COMPULSIONS ALIMENTAIRES


    Les compulsions alimentaires se présentent sous la forme de la consommation d’une quantité plus ou moins importante d’aliments choisis, mangés rapidement, avec plaisir mais avec un sentiment de perte de contrôle.  Le plus souvent cette ingestion se fait sans faim.

    Le sujet a l’impression de ne pas pouvoir ni s’empêcher de manger ni s’arrêter de manger.

    La question de la recherche de minceur n’est pas au centre des préoccupations du sujet, cependant il est fréquent qu’il supporte mal le poids pris consécutivement aux compulsions.

    La compulsion alimentaire pathologique se caractérise par la fréquence importante des compulsions, menant à une prise de poids importante associée à une souffrance psychique du fait de la perte de contrôle et de ses conséquences.

    Les compulsions alimentaires touchent environ 10% de la population française.

    Il est important de différencier compulsions alimentaires et boulimie, dans la mesure où l’évolution et les risques associés, surtout suicidaires, sont très différents. Alors que dans la boulimie la question de la minceur reste centrale, dans les compulsions alimentaires elle est à l’arrière plan dans la mesure où le sujet, même s’il vit mal sa prise de poids, l’assume comme conséquence indésirable du plaisir pris. Les sentiments de honte et de culpabilité ne sont pas au centre du tableau.

LE GRIGNOTAGE PATHOLOGIQUE


    Le grignotage pathologique se caractérise par une prise alimentaire en dehors des repas, allant jusqu’à s’étendre sur la journée entière. Le sujet mange, la plupart du temps sans y penser, de petites quantité d’aliments à la fois qui, s’accumulant, vont constituer de gros volumes en fin de journée.
 
     Ces aliments sont généralement des aliments prêts à manger qui ne nécessitent aucune préparation, par exemple des biscuits, des chips, des mélanges apéritifs, chocolat...

    Cette prise alimentaire se déroule le plus souvent de manière automatique, sans y penser réellement, sans que le grignoteur prenne conscience des quantités ingérées. Elle est généralement simultanée avec une autre activité qui, elle, mobilise toute l’attention, l’exemple princeps en est la télévision.

    Le grignotage pathologique se différencie d’un grignotage banal par le fait qu’il combine la compensation d’un mal-être et une prise de poids significative et durable. Le grignotage pathologique compense sans le résoudre, voire en l’aggravant par es conséquences de la prise de poids, un malaise existentiel de type anxieux ou dépressif.

LES DYSFONCTIONNEMENTS ALIMENTAIRES MINEURS


PERTURBATIONS QUANTITATIVES


1. Grignotage
A la différence du grignotage pathologique, un grignotage bien géré, occasionnel et ne menant pas à un gain de poids, peut être parfois rencontré. Tant qu’il reste limité dans ses quantités et sa fréquence, il ne doit pas constituer un motif d’inquiétude et de consultation.
2. Fringale
La fringale se présente comme une sensation impérieuse de faim. On la rencontre le plus souvent chez l’adolescente en période prémenstruelle. La fringale reste un comportement alimentaire adapté dans la mesure où l’adolescente consomme généralement ce qu’elle aime.
3. Réduction alimentaire
La réduction alimentaire apparaît le plus souvent à l’age pré pubertaire, elle consiste en une période de restriction alimentaire fréquente, peut-être même habituelle.  La restriction peut être soit globale ou sélective en réponse à des facteurs de l’environnement, lectures, conseils, etc.
Ces réductions restent généralement limitées dans le temps et peu d’entre elles évoluent vers une véritable anorexie mentale.


 Il convient cependant de rester vigilant et de surveiller l’évolution particulièrement en cas d’amaigrissement et/ou d’augmentation de la réduction alimentaire.


PERTURBATIONS QUALITATIVES


1. dégoûts alimentaires "normaux" : 
Certains dégoûts alimentaires peuvent être considérés comme normaux ou du moins plus précisemment pour reprendre une terminologie plus spécifique "névrotico-normaux". Ces dégoûts alimentaires sont déterminés en grande partie de manière culturelle, par chaque époque dans chaque civilisation. Un grand nombre de ces dégoûts ont des origines religieuses même si la signification initiale s’en est perdue. Nous en donnerons comme exemple le serpent qui n’est pas considéré comme comestible en occident alors qu’il est couramment consommé en Asie et considéré comme un met de choix.



     Il faut noter à cet égard que notre civilisation a elle même changé par rapport à des temps plus anciens. Actuellement, par exemple nous sommes passés quant à la viande d’un abord zoophage (qui considère l’animal dans son entier) à l’époque du moyen age à un abord sarcophage (qui ne veut surtout pas voir dans le morceau de viande l’animal qui l’a produit)

    Nos dégoûts alimentaires concernent le plus souvent les abats, les mets trop odorants ( fromages), les mets chargés symboliquement (le lait, le "gras" ), moins souvent les légumes. Dans certains cas l’aspect légèrement névrotique est facile à repérer, dans d’autres il est beaucoup plus mystérieux.

    Ces dégoût alimentaires, même si leur fondement pathologique existe, ne méritent d’attention que s’ils entravent gravement l’épanouissement et la vie quotidienne.

    Par contre, dans le cas où de telles pratiques deviennent systématiques, extrémistes, voire bizarres pour certains adolescents, la question doit se poser d’investissements délirants de la nourriture et dans ce cas la consultation doit être conseillée, surtout si un tel dérèglement entraîne un amaigrissement.

    Le végétarisme se situe à part, dans un contexte éthique et philosophique. Tant que le régime inclut les produits laitiers de manière équilibrée, le risque est réduit.

    Par contre, le végétalisme, où seuls des aliments d’origine végétale sont consommés, peut entraîner des carences importantes puisque certains acides aminés et certaines vitamines ne sont pas présentes dans les végétaux. De plus, les raisons que se donnent le sujet pour adopter un comportement alimentaire aussi contraignant doivent être examinées avec soin, dans la mesure où parfois elles peuvent être délirantes, mais aussi où il existe de rares cas où le végétalisme a été une manière de débuter une anorexie mentale.


HISTOIRE DE L’ANOREXIE MENTALE

La Sainte Anorexie

"Quand je suis faible, alors je suis fort"
Saint Paul (2 Co 12, 10)

"Ieunium amare" (aimer le jeûne)
Saint Benoit (RB 4,13)

L'anorexie antique et médiévale


    Les premières descriptions de comportements d’allure anorectique datent des débuts de l’ère chrétienne, particulièrement chez les adeptes du monachisme, c’est-à-dire les ancêtres des premiers moines.
     Alors que dans le judaisme il existe des jeûnes religieux tels que celui pratiqué à l’occasion de Yom Kippour, ceux-ci ne dépassent guère la journée et ne sont guère l’occasion de pratiques individuelles excessives. Les premiers "cénobites" chrétiens se sont très tôt, aux alentours de l’an 400, livrés à la restriction alimentaire. Selon CASSIEN, l’Ordo monasterii observe vers 425, cinq jours de jeûne sur sept.

    Au 4ème siécle, Saint SIMEON Stylite, moine de Syrie vivant au sommet d’une colonne sans jamais se coucher, étonne ses visiteurs et construit sa renommée sur une abstinence quasi-complète de nourriture combinée avec des une activité gymnastique constante proche de ce nous qualifierions actuellement d’hyper-activité.

     En effet, pour mieux rendre grâce à Dieu Saint Simeon opérait des sortes "d’inclinations profondes " que nous pourrions qualifier en language moderne de "pompes" , ceci jusqu’à 1244 fois par jour, selon un témoin qui n’eût pas la patience ou le courage de compter plus loin...

    A la période médiévale, particulièrement des années entre 1200 et 1500, les chroniques et les hagiographies de cette période parlent de plusieurs saintes au comportement alimentaire surprenant.

    La plus connue. Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) ne se nourrissait que d’une « poignée d’herbes «  ( c’est à dire de légumes selon la terminologie de l’époque ) et se faisait vomir si elle avait été forcée d’avaler de la nourriture.

    Sainte Béatrice de Nazareth vomissait à la simple odeur de la viande.

    D’autres saintes se couvraient la face à la vue de la nourriture et au moins une d’entre elles a péri de faim.

    Sainte Véronique, au 17e siècle, s’obligeait à ne rien manger pendant des périodes de trois jours sauf le vendredi où elle s’autorisait à mâcher cinq pépins d’orange en souvenir des cinq plaies du Christ.

    Cependant, malgré les points communs entre ces comportements mystiques et l’anorexie moderne, certains auteurs font remarquer que pour un même comportement, les significations peuvent grandement se différencier à des époques et dans les milieux culturels et religieux différents. De plus, les saintes évoquées ne sont pas toutes, loin de là des adolescentes ou de jeunes adultes.

    Le jeûne représente un aspect important de la spiritualité médiévale mais il ne concernait pas les deux sexes de la même façon. En effet, on ne retrouve que peu de saints masculins entreprenant des jeûnes aussi extrêmes. A cette période, la survie sans nourriture signifiait que d’autres formes de nourritures spirituelles compensaient les effets du jeûne: la prière fournissait de quoi survivre à la manière de l’eucharistie chrétienne: le corps et le sang du Christ représentés par l’hostie et le vin.


    Cependant, il convient de remarquer, au-delà des apparences , les différences entre les "anorexies miraculeuses" et les anorexies contemporaines. En effet, la Recherche des saintes anorexiques différent de la clinique actuelle dans la mesure où ce qui est recherché est l’absence d’alimentation.

    En aucun cas, la question du poids, ne vient dans le discours de nos saintes, alors qu’il est prépondérant dans le discours actuel. Le concept des calories n’a pas été inventé à cette époque, il ne peut donc en être question mais celui de poids existe, dans son application au commerce, depuis fort longtemps. Il n’est, par contre, jamais mentionné par nos sujets car leur préoccupation n’est pas leur poids mais une question de pureté appliquée aux ingestats.

Les jeûneuses confrontées à la science: du 17ème au 19ème siècle    


    Au 17ème et au 18ème siècles, des médecins dotés d’une tournure d’esprit plus scientifique commencèrent à s’intéresser à ces comportements qu’ils dénommèrent:


    Il semble que l’on puisse attribuer la première description de l’anorexie mentale à Richard MORTON en 1694 dans son « Phtisiologia » ou « Traité des consomptions ». MORTON, médecin de James II d’Angleterre, fait, à partir de deux cas, un jeune homme de 18 ans et une jeune fille de 16 un tableau clinique détaillé avec manque d’appétit, refus de nourriture, aménorrhée, hyperactivité et cachexie. MORTON ajoute que cet état se rencontre chez « ceux qui ont vécu en état de virginité », ce qui indique que ce trouble n’était ni rare, ni réservé exclusivement à l’adolescence.

    La disparition de la culture médiévale, jointe à l’apparition du mouvement de la réforme et à la méfiance accrue de l’église catholique pour le culte des saints, modifie quelque peu la position des jeûneuses miraculeuses qui sont maintenant accessibles à l’examen des autorités séculières et médicales.

    Au plus fort de la réforme, une abstinence prolongée de nourriture était considérée comme possession diabolique plutôt qu’oeuvre divine, c’est à ce moment que même les autorités religieuses commencent à soupçonner quelque folie sous le désir de mortification.

    Cependant quelques cas subsistèrent à bas bruit en Europe, se contentant d’une notoriété locale. Ces quelques cas sont représentés par des jeunes filles d’humble origine ne se nourrissant que d’aliments délicats évoquant l’idée de pureté: fleurs ou même odeurs de fleurs. La nature de ces créatures éthérées est si délicate qu’elle ne peut s’accommoder d’aliments grossiers.


    L’histoire d’Eva FLIEGEN est, à cet égard, édifiante. Vers 1600, la « jeûneuse de MEURS » en Hollande fut conduite dans le verger d’un notable local dont on l’encouragea à goûter les fruits. A peine eut-elle porté une cerise à ses lèvres qu’elle en tomba malade et failli en mourir.

    Outre l’ingestion de nourritures terrestres, le statut de « vierge miraculeuse » n’était pas sans danger dans la mesure où, au 16ème siècle, une jeune fille allemande convaincue de fraude fût exécutée quand on découvrit qu’elle se nourrissait en cachette. De tels comportements au « siècle des lumières » soulevèrent de plus en plus de scepticisme de la part des autorités médicales et scientifiques. La théorie de la fermentation corporelle et la conception du sang comme fluide réutilisable amena REYNOLDS (aux alentours de 1680) à conclure que ces pucelles pouvaient survivre sans manger sans pour autant être des « vierges miraculeuses »

    Le cas de Ann MOORE, « la Jeûneuse de TUTBURY » en Angleterre, au tout début du 19ème siècle souleva un formidable intérêt s’étendant jusqu’aux Amériques. Celle-ci, pécheresse repentie, qui se manifestait surtout jusque là par une forte piété, commença en 1807 une anorexie qui devait bientôt devenir publique et célèbre.

Une première enquête donna quatre hypothèses:
- l’anorexie comme manifestation du pouvoir surnaturel de Dieu
- il est possible de vivre à partir de « l’air »
- la malade souffrait d’une maladie de l’oesophage l’empêchant de manger
- l’imposture

    Au bout de cinq ans, en 1812, les autorités locales religieuses et séculaires entreprirent une nouvelle enquête. Une observation d’un mois fût mise en place de la manière la plus stricte. Après une semaine, Ann MOORE semblait gravement malade et malgré les demandes de sa fille l’observation continua encore pendant dix jours au bout desquels il fut trouvé sous son lit une couverture imbibée d’urine, ce qui indiquait qu’elle se nourrissait puisqu’elle rejetait de l’urine puis on la surprit en train de se sustenter à l’aide de mouchoirs imprégnés d’eau et de vinaigre

Prise sur le fait Ann MOORE fut forcée d’avouer son imposture. Une telle victoire de « la science et la morale » eut des implications pendant tout le 19ème siècle, et pendant de nombreuses années le nom d’Ann MOORE fut associé à l’imposture.

    La confrontation suivante entre science et anorexie miraculeuse devait se dérouler autour des années 1870, l’autorité médicale se sentant suffisamment sûre d’elle-même pour aller jusqu’au bout de la confrontation.

    Au pays de Galles, une jeune fille de 12 ans, Sarah JACOB, ayant commencé à jeûner en 1867, ne mangeait " qu’une petite pomme, de la grossseur d’une pillule dans une cuillère à thé".
Après enquête, le cas devint célèbre et objet d’admiration pour des centaines de visiteurs, ayant succombé à l’important battage fait autour d’elle.

    En Novembre 1869, les autorités médicales de Londres envoyèrent quatre infirmières de confiance au pays de Galles pour vérifier les prétentions de Sarah JACOB. Après négociations, la maison fût fouillée à la recherche de nourriture cachée, sa soeur cadette ne fût plus autorisée à partager sa couche et la veille commença.

     Les infirmières furent expressément interdites de donner quelque nourriture à la patiente, sous prétexte qu’aux dires des parents lui proposer de la nourriture ne contribuerait qu’à l’affaiblir et qu’ils lui avaient promis de ne plus lui proposer de nourriture sans qu’elle le demande. Au bout de 36 heures, les infirmières purent observer l’apparition de taches d’urine sur sa chemise de nuit, mais le père interdit aux médecins l’examen intime de sa fille. Au 6ème jour la jeune fille s’affaiblissant, les infirmières demandèrent aux médecins et aux parents l’autorisation de la nourrir mais les parents refusèrent de peur que l’on ne mette en doute leur honnêteté, malgré les pressions médicales. Le 10ème jour, Sarah JACOB mourut et ses parents furent condamnés à des peines d’un an et de six mois de prison pour meurtre.

    La science médicale avait enfin remporté une victoire incontestable sur l’anorexie miraculeuse. La mode en disparut lentement et les quelques suivantes se gardèrent bien de se confronter de trop prés à un examen strict.

     L’anorexie dite « mentale » entrait de plein droit dans le domaine médical en sortant de celui de la mystique.

L’anorexie moderne

    La question de la découverte médicale de l’anorexie mentale reste un sujet disputé entre français et anglais. En effet, les deux pays revendiquent énergiquement l’invention de l’anorexie mentale.

    D’un coté, sir William GULL, médecin privé de SM Victoria, reine d’Angleterre, impératrice des Indes (mais également, pour la petite histoire, un des principaux suspects d’être Jack l’éventreur) parle dès 1869 "d’ l’apepsie hystérique" concernant des jeunes femmes refusant de s’alimenter, alors qu’elles sont déjà très amaigries, puis en  Juillet 1874, publie pour la première fois une description de "l’anorexia nervosa".

    Entre temps, le psychiatre Charles LASEGUE, inspecteur général adjoint des maisons d’aliénés et médecin du dépôt spécial de la préfecture de police a publié en 1873 la description de ses résultats tirés de l’examen de huit patients soignés pour "anorexie hystérique".

    C’est à Jean-Martin CHARCOT, qui fut l’un des maîtres de FREUD en psychiatrie, que l’hospitalisation avec isolement est due alors que LASEGUE ne la prescrit aucunement. CHARCOT imagine ainsi de forcer la patiente anorexique à manger par l’ennui et l’isolement de son entourage. La méthode de l'isolement a été pratiquée de manière courante en FRANCE jusque dans les années 70.

     Cette méthode actuellement très décriée présente l’avantage d’être extrêmement efficace au très court terme. Malheureusement si elle permet une reprise de poids dans des cas de dénutrition extrême, elle reste inefficace à long terme dans la mesure où le poids gagné parfois difficilement est perdu bien plus vite qu’il n’a été gagné dès la fin de l’hospitalisation. De plus, les conséquences psychologiques sur la confiance envers les soignants d’une méthode aussi expéditive ne sont guère aisées à dissiper.

    Les rares cas décrits par Sigmund FREUD, dans ses descriptions cliniques, rattachent l’anorexie à l’hystérie mais, visiblement pour le père de la psychanalyse, l’anorexie ne constitue qu’un symptôme annexe qui ne mérite guère son attention.

     La psychanalyse classique n’y portera guère qu’un regard anecdotique pendant longtemps, peut-être, à sa décharge, faut-il aussi imaginer que pendant longtemps la pathologie a été peu répandue.

    J’en donnerai pour exemple une expérience personnelle, en 1988, alors que j’étais aux Etats-unis pour présenter une communication (on anorectic transference), des amis américains m’ont donné l’occasion de rencontrer un psychanalyste américain retraité lors d’un dîner qui s’est avéré passionnant. En effet, notre expérience de l’anorexie était radicalement différente, sa pratique entre les années 1940 et 1980 environ, dans une grande ville, ne lui avait donné l’occasion que de suivre quatre patientes anorexiques en tout et pour tout, alors que la mienne, pourtant débutante, se contentait d’en suivre presque deux fois plus par semaine. C’est dire la différence radicale de l’incidence de l’anorexie mentale entre ces deux époques.

    Le grand nom à citer, dans l’intérêt porté à l’émergence de l’anorexie mais aussi de l’obésité, est celui d’ HILDE BRUCH, psychiatre allemande émigrée aux Etats-unis pour fuir les persécutions nazies, ses ouvrages les plus connus sont " Les yeux et le ventre" et " La cage dorée"

En France, il nous faut citer l’ouvrage princeps de Jean, Edith KESTEMBERG et Suzanne DECOBERT " La faim et le corps" en 1972 puis, celui de Bernard BRUSSET " L’assiette et le miroir" en 1977.


HISTOIRE DE LA BOULIMIE



    Contrairement à ce l’on peut parfois lire ou entendre, il est hasardeux de faire entrer les comportements alimentaires des "orgies", ou plus exactement des banquets de l’époque de l’empire romain dans le cadre des conduites boulimiques. En effet, même si les apparences vont dans le sens d’une similarité dans les aspects de quantité de nourritures ingérées et dans, parfois, l’utilisation de vomissements pour se soulager le contexte est radicalement différent.

    Tout d’abord, nous ne possédons qu’étonnamment peu de textes sur les moeurs romaines à table. Ce sont surtout, soit des romans tels que le "Satyricon" de Petrone où est décrit avec force détails, voire exagération, le banquet du riche affranchi Trimalcion ou " l’âne d’or " d’Apulée ou des "Vitae" telles que " Les vies des douze Césars" de Suétone où sont parfois décrits les banquets, non de simples particuliers mais des empereurs, le trait y est souvent chargé puisque à l’époque le but était de présenter aux générations futures des exemples à suivre, ou à ne pas suivre, quitte à exagérer ou à inventer pour mieux convaincre.

    Enfin, il convient de rappeler, certains faits qui différencient les moeurs romaines aussi démesurées soit-elles des comportements boulimiques. Tout d’abord, la quantité et la rareté sont une obsession de la société romaine de l’empire OCTAVIUS rival du célèbre APICIUS (1er siècle après JC) allant jusqu’à payer 5000 sesterces pour un surmulet d’une taille exceptionnelle, sans que la question de son goût n’entre jamais en compte, de manière à impressionner ses convives.

     Le banquet est un acte social, et non solitaire comme la boulimie, où le statut de l’hôte est caractérisé par l’abondance et la rareté, donc la cherté des plats proposés. Les plats proposés, dans un contexte de richesse extrême de la puissance invitante il ne faut pas l’oublier, ne représentent aucunement un échantillon signifiant de l’alimentation romaine. Ils ne sont que les seuls ayant laissé trace, du moins dans l’imagination, durant 1500 ans d’histoire. Dans un tel contexte, la richesse et la variété des plats offerts ne s’appliquent qu’aux hôtes de marque, les invités de moindre importance devant se contenter de ce qu’on lui servira, de mets de moindre qualité. De plus, chacun repartira avec l’équivalent d’un "doggy-bag" prélevé sur les restes du repas.

    Ainsi le cliché du gavage suivi de vomissements ne s’applique qu’à une minorité d’invités de marque, eux même issus d’une minorité de personnages suffisamment notables pour être invités dans le cadre d’un banquet, c’est à dire une partie infime de la population romaine.

    Pendant quelque quatorze siècles, après la chute de l’empire romain d’occident en 476, seuls quelques rares descriptions médicales parleront de "boulimus" qu’il faudrait peut-être rattacher à l’hyperphagie qu’à une véritable boulimie telle que nous la concevons.

    Le " New Dictionary of Medical Science " au 19ème siècle donne  la définition du terme " boulimia " : " de bœuf et de faim - (faim de bœuf): l’appétit féroce. Cependant, entre 1844 et 1944, il n’apparaîtra dans la sphère médicale américaine aucune description de boulimie.

    En Europe, nous retrouvons GULL, qui repère en 1873 que certains patients présentent entre les périodes de renoncement à la nourriture des périodes d’appétit particulièrement vorace  mais aussi LASEGUE qui décrit un "faux appétit impérieux" dans un comportement inverse à l’anorexie chez certains hystériques. Pierre JANET décrit en 1903 avec le cas de Nadia un comportement boulimique franc.

    Aux Etats-unis en 1959, STUNKARD, rapproche la boulimie de l’obésité.

     Grâce aux travaux de Laurence IGOUIN et de Bernard BRUSSET à la fin des années 70, en France, la boulimie se différenciera de l’anorexie et de l’obésité en tant qu’entité autonome.


QUE FAIRE EN CAS DE TROUBLE DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRES ?

Ce qu’il ne faut pas faire



    Tout d’abord, il peut paraître important de préciser ce qu’il ne faut pas faire car, considérant la complexité du problème des troubles alimentaires, les solutions simples, voire simplistes n’ont jamais eu l’efficacité escomptée. En effet, s’il existait une solution simple, rapide et fiable, non seulement elle aurait déjà été mise en application mais un succès réel ferait qu’elle serait adoptée par tous.

    A moins d’imaginer un complot corporatiste démoniaque qui inclurait tous les soignants sans exception de la planète entière, force nous est de constater que, à la rédaction de ces lignes, il n’existe pas de solution miracle, du moins pas à ma connaissance ni également à celle de tous les collègues avec lesquels j’ai des contacts réguliers.

    En tous cas, les solutions du style " il/elle n’a qu’à ..." sont généralement inopérantes, je n’ai jamais rencontré de patients désireux de grossir qui n’aient pas pensé à manger ou de patients désireux de maigrir qui ne se rendent compte qu’ils mangent trop.

    Il paraîtrait tout à fait possible donc de forcer les uns à maigrir les autres à grossir mais, sauf à les garder éternellement sous surveillance étroite et efficace, la solution n’est donc pas trouvée.

    Guérir des troubles alimentaires n’est pas uniquement une question de volonté ni de coercition, ni même d’amour mais de soins appropriés où viennent s’adjoindre volonté de guérir et soutien de l’entourage.

    L’apparition des troubles du comportement alimentaire est certes liée aux conditions de vie dans les pays développés dit "riches" mais, à mesure que les pays dits "émergents" sortent de la pauvreté ils connaissent aussi les mêmes pathologies. C’est dire que les troubles alimentaires sont une manière d’exprimer une souffrance réelle dans un contexte d’abondance mais il ne s’agit pas pour autant d’affirmer que les pays où l’on doit se battre chaque jour pour sa survie ne connaissent pas la souffrance psychique, elle s’exprime simplement par d’autres modes d’expression pathologique.

    Donc la culpabilisation par la comparaison avec les pays pauvres est non seulement fausse mais elle est également dommageable pour l’estime de soi déjà bien basse des sujets souffrant de troubles alimentaires.

    Il s’agit de rappeler à tout un chacun, famille, entourage, professionnels mais surtout aux patients eux-mêmes qu’il s’agit de maladie et non pas de choix délibéré ni de vice. L’approche morale est non seulement non pertinente mais elle est également  culpabilisante et inefficace contre la maladie.


Ce qu’il faudrait faire



    L’utilisation du conditionnel tient ici à marquer le fait qu’entre souhaitable et possible, il existe une marge qu’il n’est pas toujours aisé de réduire. Les conseils donnés sur ce site ne sont pas absolus mais se doivent de pouvoir être adaptés au cas de chacun.

    Une fois la suspicion de trouble alimentaire installée dans l’esprit de l’entourage, il convient de se renseigner le plus rapidement possible, sans tarder mais sans non plus paniquer. Les troubles du comportement alimentaires sont des troubles dangereux pour la santé au long terme, pas dans la minute, sauf cas extrêmes...

    Il est possible de prendre des renseignements dans la littérature médicale, mais aussi grâce à Internet , sur mon site par exemple, par contre la presse dite féminine ou les forums santé internet doivent être utilisés avec grande prudence, les informations étant au mieux floues au pire tendancieuses (voir la page liens utiles et moins utiles mais édifiants).

    En tous cas, le conseil d’un professionnel voire ,mieux,  d’un spécialiste des troubles alimentaires est recommandé, dans la mesure où un avis ou bien un diagnostic précoce augmentent considérablement les chances et le délai de guérison. Il vaudrait mieux consulter "pour rien", plus exactement pour être rassuré que de ne pas consulter de peur d’être ridicule ou de perdre son argent que de risquer de ne pas reconnaître une pathologie grave à pronostic invalidant. Le prix d’une consultation ne représente rien au regard de l’avenir de toute une vie.

    Il est hautement préférable que le sujet souffrant de troubles alimentaires soit volontaire et coopératif, cependant dans certains cas extrêmes de dénutrition, le danger peut dispenser l’entourage de son accord. En effet, si votre enfant peut se trouver provisoirement très en colère envers vous à cause d’une action entreprise contre sa volonté, le fait que sa vie soit  en réel danger peut imposer des mesures exceptionnelles dont il reconnaîtra sûrement plus tard la nécessité.

    Dans le cas d’un diagnostic positif, l’intrication des problèmes du corps et de l’esprit dans les maladies de l’alimentation nécessite une prise en charge conjointe, encore une fois de préférence par des spécialistes du problème. Les questions que posent l’extrême dénutrition ou l’extrême obésité nécessitent l’intervention de spécialistes de la nutrition. Du coté du suivi psychologique, il en va de même, l’abord des patients souffrant de troubles alimentaires représente une véritable spécialité qui doit être soutenue par une solide expérience, du fait des particularités spécifiques de ces patients.

Aussi un parcours de soin idéal devrait se dérouler comme suit:


Au risque de me répéter, je rappelle qu’il vaut mieux consulter "pour rien" que de laisser la pathologie s’installer ou mettre en danger le patient. L’espérance d’une guérison spontanée ne doit pas être surestimée, si les cas de guérison spontanée existent certes ils sont  rares et il ne parait pas raisonnable de compter que "cela s’arrange tout seul", surtout si l’on considère les risques encourus.


01 42 29 31 71   .    DU LUNDI AU VENDREDI DE 8H30 À 20H30 ET LE SAMEDI DE 8H30 À 13H   .   21, RUE DAVY   75017 PARIS   .   CONTACT MAIL